Colby Covington pourrait affronter Leon Edwards pour la ceinture des poids welters
Le temps des héros est dépassé. La figure de l’homme vertueux, plein de courage, d’humilité et à la droiture sans faille est morte. Ce qui intéresse et fait réagir la foule sont les personnages “gris”, des figures complexes, plus profondes que le héros et que le méchant car beaucoup plus humaine : l’antagoniste en somme
À l’UFC, peu de combattants incarnent la figure de l’antagoniste comme Colby Covington. Le jeune lutteur de 26 ans qui a fait ses débuts en 2014 est bien différent de l’homme que l’on connaît aujourd’hui. Timide, poli et travailleur, Colby avait tout d’un combattant prodigieux mais d’un homme sans intrigue et sans relief. En somme, il voulait être un héros alors que l’UFC était envahi par les personnages au charisme gris
Comme d’autres combattants, Colby s’est fait submerger par l’ère McGregor à partir de laquelle être bon n’était plus suffisant. Il n’arrive pas à connecter avec les fans qui s’habituent petit à petit aux insultes et aux attitudes exacerbées de certains combattants. Alors qu’il se prépare à affronter le troisième mondial, Demian Maia chez le Brésilien à Sao Paulo, Colby apprend qu’il ne signera pas de nouveau contrat avec l’UFC. La fédération le trouve terne et sans intérêt pour le public. L’UFC refuse de se retrouver avec un nouveau contender qui indiffère la foule au milieu du règne de Tyron Woodley que les fans trouvent ennuyeux à souhait
Dépité et sans issue, Colby Covington entre dans la cage pour affronter Maia avec le poids du monde sur ses épaules. Après avoir dominé le combat et sous une horde de huées du public brésilien, il insulte tout un pays avec la rage dont il est capable. “Chaos” est véritablement né ce soir- là et le résultat est immédiat. Colby devient une sensation en une nuit et l’UFC n’a d’autres choix que de lui proposer un nouveau contrat
Alors Colby comprend ce qui lui reste à faire. Il monte le niveau d’un cran. Il parade avec la casquette MAGA (casquette rouge reprenant le slogan de Donald Trump), insulte littéralement tout le monde et génère énormément de hype. Alors que le champion Tyron Woodley est inactif depuis un an, Covington est placé dans un combat pour le titre de champion par intérim contre Rafael Dos Anjos qu’il remporte haut la main. Après ce combat, il entre en conflit ouvert avec Dana White, son patron. Une stratégie qui pourrait surprendre mais s’il y a de l’argent à se faire, l’UFC est prête à passer outre beaucoup d’insolence
À ce moment-là, Colby est un personnage complexe. Il s’oppose à l’autorité, il s’oppose au peuple et il fait comprendre que tout ce qu’il fait, il le fait pour lui et lui seul. Il rejette l’industrie mais il est devenu ce qu’elle l’a poussée à devenir. Aussi doué soit-il à la comédie, tout le monde sait qu’il joue un rôle. Cela ne signifie pas en revanche que tout le monde est prêt à y prendre part et les deux combats contre Kamaru Usman et celui contre Jorge Masvidal vont le lui rappeler amèrement
Jorge Masvidal et Kamaru Usman ne sont pas les mêmes personnes mais ils s’opposent à Colby de la même façon : leur mentalité est violente en dépit d’eux mêmes et pas par choix. C’est la vie qui les a construit de cette façon et leur authenticité met en lumière le personnage qu’a choisi d’incarner Colby. Alors Covington n’a d’autres choix que de jouer le jeu de la surenchère. Il insulte le père emprisonné d’Usman et fait des références lugubres au décès de son coach. Il enchaîne les insultes envers les enfants et la femme de Jorge Masvidal, avec qui il a un passif lourd pour lequel il semble être fautif
Finalement, Colby est un antagoniste sans protagoniste avec lequel danser car personne ne veut véritablement jouer avec lui. Il s’est construit un personnage et une attitude pour servir l’industrie et se servir lui-même mais c’est un pacte d’une durée limitée. Le milieu du MMA est très “humain” en ce sens qu’il est dur de cacher ce qu’il y a de pire et de meilleur en soi lorsque l’on pratique un sport aussi exigeant. C’est à la fois ce qui a rendu Colby si unique mais aussi ce qui le place hors du temps
Auteur de l'article : Noé Bares
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